La fiction, quelque soit sa forme (littéraire, sonore, cinématographique, plasticienne), à l’instar des mythes anciens, est, plus que jamais, politique. L'écriture fictionnelle, par son économie de moyens et sa puissance d'irrigation, devient pour moi le lieu d’un agir artistique écosophique au sens où l’a défini Guattari dans Trois Ecologies.
Ma pratique d'écriture s'inscrit dans le prolongement de ma pratique d'artiste plasticienne : écrire c’est performer un geste. Ecrire, c’est déployer un geste qui témoigne d’une dissonance intime avec le monde extractiviste et industrieux dans lequel nous vivons. La littérature devenant le lieu de la performance, je pose la question de l'usage de la littérature : est-elle le lieu où la performance existe sans toutefois qu'elle soit actée sans son inscription physique dans le monde ?
Depuis 2023, je construis une collection de lettres-fictions élaborées au fil de résidences effectuées dans des territoires protégés et labellisés. Les Parcs Nationaux, premiers espaces soustraits à la frénésie extractiviste, ont imposé la sanctuarisation d’espaces dits «naturels». Mais cette protection ne se fait pas sans contradiction ; car, bien que préservés, ils subissent irrémédiablement les impacts d’une industrie, qu’elle s’exprime localement ou plus globalement par le réchauffement climatique. J’explore ces territoires préservés par des labellisations diverses. Chaque expérience sensible sur ces territoires est le point de départ d’un récit épistolaire où bien souvent un.e narrateur.ice témoigne d’un geste qui signe son désarroi à être dans une société en fin de course. Mais c'est un geste qui signe aussi une résistance discrète et héroïque.
La plupart des textes que j’écris donnent naissance à des lectures performées et des performances ainsi qu'à des oeuvres vidéos et sonores.