Ce qu’il reste en nous parle d’espace, ou plus précisément parle des espaces que l'on rencontre dans une vie : comment ils nous traversent, comment ils nous structurent et nous construisent (comme cela peut être le cas de manière plus évidente avec une histoire amicale, amoureuse ou artistique). Peut-on raconter une vie par ses rencontres avec l'espace ? L’espace peut-il être évènement ? Deux questions qui structurent les enjeux narratifs du texte.
Ainsi, tout au long du livre, constitué de courts chapitres, le lecteur est balloté entre la sensation d'un récit biographique porté par une narratrice artiste et une intrigue faussement romanesque esquissée autour d’un ‘’Musée du Temps’’ – interrogeant ce que peut-être l’acte de création aujourd’hui : le retrait d’un certain milieu (celui de l’exposition) au profit d’un attachement et d’une dissolution dans le monde : lieulien, c’est ainsi que la narratrice appelle les espaces qu’elles convoquent pour comprendre et vivre ce qu’il reste en elle.
Une lecture perfomée, à partir du récit Ce qu'il reste en nous, est programmée à La Baignoire-lieu des écritures contemporaines, à Montpellier en mars 2025.
Ce qu'il reste en nous

"(...)
Je regarde ma main gauche : les doigts posés sur la feuille, de manière à éviter qu’elle ne s’envole, me semblent étranges.
Ma main droite s’active à écrire : elle est dans une sorte d’action bienheureuse, un déplacement quasi automatique suivant à quelques millièmes de seconde près la formulation des mots dans la zone du cerveau.
Pourtant, ce n’est pas ce mouvement mécanique et agité qui retient mon attention, mais l’immobilisme de cette main gauche robuste et presque masculine, parsemées de sillons, certains amplement creusés par le temps, d’autres plus discrets.
Sur chacune des zones où la phalange se déploie, les plissements de la peau creusent des ridules tandis que des petites ondes bleues, légèrement bosselées, irriguent la surface abimée de la peau.
Mon regard se perd dans ces roches métamorphosiques, strates plissées traduisant la lenteur des mouvements de ce qui vit, et si je m’approche d’elles, j’entends le murmure de Calypso à Ulysse, sa lettre d’adieu, elle reine immortelle dont le corps ne vieillit pas et qui jalouse les nœuds des mains du roi d’Ithaque."
Extrait de Ce ce qu'il reste en nous.